Les rebelles du Mouvement du 23 mars, dit M23, ont pénétré dimanche dans le quartier de Munigi, dans la banlieue nord de Goma, semant la panique dans le chef-lieu du Nord-Kivu et provoquant des déplacement de population massifs.
C’est ce qu’a rapporté la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC, Bintou Keita, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée d’urgence, face à la percée du groupe armé.
« Les routes sont bloquées et l’aéroport ne peut plus être utilisé pour l’évacuation ou les efforts humanitaires », a précisé Mme Keita.
Selon la Représentante spéciale, le M23, soutenus par les forces armées rwandaises, a déclaré la fermeture de l’aéroport de Goma et a accusé faussement l’armée régulière de la RDC de procéder à des frappes aériennes contre la population civile.
« Nous sommes pris au piège », a-t-elle reconnu.
Une percée fulgurante
« La réunion d’aujourd’hui a lieu dans un contexte de détérioration majeure de la situation à l’est de la RDC », a quant à lui déclaré au Conseil le chef des opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix.
Depuis le début de l’année, a-t-il rappelé, le M23 a lancé des opérations de grande envergure dans la région, avec l’appui des forces armées du Rwanda, dans l’est de la RDC.
Cette offensive a permis aux rebelles, munis d’artillerie lourde et de systèmes de brouillage du GPS, d’étendre de manière significative leur territoire, en l’espace de quelques semaines.
Un nouveau front au Sud-Kivu
Le M23 a notamment ouvert un nouveau front dans la province du Sud-Kivu, dont la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) s’est retirée, le 30 juin 2024.
En l’absence de Casques bleus dans la zone, le groupe armé a notamment pris le contrôle cette semaine de Minova, une ville située à un carrefour stratégique le long de la route vers Goma.
Avancée au Nord-Kivu
Dans la province du Nord-Kivu, la reprise des hostilités s’est traduite, au cours des derniers jours, par la prise par les rebelles de Sake, une localité également stratégique située à 25 kilomètres à peine de Goma.
Selon M. Lacroix, la chute de Sake menace directement des millions de civils innocents et les Casques bleus de la MONUSCO, dont le mandat est d’assurer leur protection physique.
À cela s’ajoute un autre revers subi, cette semaine, par l’armée régulière du gouvernement de Kinshasa.
Mme Keita a en effet indiqué que le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Peter Cirimwami, avait été blessé sur le champ de bataille, avant de succomber à ses blessures.
Les Casques bleus pris pour cible
Parallèlement, les 23 et 24 janvier, le M23 a tiré sur les positions de la MONUSCO et de la Mission de la Communauté de développement d’Afrique australe en RDC (SAMIDRC) dans la zone.
M. Lacroix a indiqué qu’au cours des dernières 48 heures, deux Casques bleus de la MONUSCO appartenant au contingent sud-africain et un casque bleu uruguayen ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions.
Selon le chef des opérations de paix, 11 autres Casques bleus ont été blessés et sont actuellement pris en charge à l’hôpital des Nations Unies à Goma.
Condoléances du Secrétaire général
Dans une déclaration publiée dimanche par son Porte-parole, le Secrétaire général de l’ONU s’est joint à M. Lacroix et Mme Keita pour exprimer ses plus sincères condoléances aux familles des victimes, ainsi qu’à leurs gouvernements et aux peuples sud-africain et uruguayen.
Il a souhaité un prompt rétablissement aux blessés.
António Guterres a par ailleurs rendu hommage à la bravoure de tous les Casques bleus dans l’accomplissement de leur mandat, qui vise à protéger les civils et à les défendre contre les violences perpétrées par les groupes armés, en coordination avec les forces armées congolaises et la SAMIDRC.
Le Secrétaire général a rappelé à toutes les parties belligérantes que les attaques contre le personnel des Nations unies peuvent constituer des crimes de guerre.
Il a appelé les autorités compétentes à enquêter sur ces incidents et à traduire rapidement les responsables en justice.
Renforcement des positions de la MONUSCO
Durant la réunion du Conseil, M. Lacroix a indiqué que la MONUSCO a renforcé ses positions de défense pour empêcher toute nouvelle avancée du M23 vers Goma.
Mme Keita, qui est également Cheffe de la MONUSCO, a précisé que la mission participe à des échanges d’information et à la planification tactique avec les forces de la RDC. Les Casques bleus de la MONUSCO prennent également une part active aux combats, aux côtés de la SAMIDRC.
« La MONUSCO a notamment activé l’Opération Springbok III et déployé une Force de réaction rapide, un Bataillon de déploiement rapide, un Bataillon de réserve, un peloton de forces spéciales et une Batterie d’artillerie pour renforcer ses positions et contrer l’avancée du M23 », a ajouté la Représentante spéciale.
Alors que les populations fuient les combats ou sont utilisées comme boucliers humains, Mme Keita a assuré le Conseil que l’utilisation de l’artillerie de la MONUSCO est « soigneusement calibrée » pour éviter de nuire aux civils et à ses forces sur le terrain.
La Mission a également annoncé, samedi, la relocalisation temporaire de son personnel non essentiel stationné à Goma, y compris ses effectifs administratifs.
« Ces efforts sont toujours en cours », a précisé la Représentante spéciale.
« Cette relocalisation n’affecte en rien l’engagement indéfectible des Nations Unies à fournir une aide humanitaire et à protéger les civils au Nord-Kivu », a-t-elle ajouté.
Des mesures ont également été prises pour assurer le réapprovisionnement rapide des contingents de l’ONU basés dans les zones contrôlées par le M23, a indiqué M. Lacroix, notamment à Kiwanja, Kanyabayonga et Kitchanga.