Input your search keywords and press Enter.

Urgent : Le Gouvernement Congolais a sollicité l’appui de l’Angola, du RCA, de la Tanzanie et de l’Ethiopie pour importer le courant électrique, à quoi servent les barrages hydroélectriques d’inga et de Busanga ?

L’importation du courant électrique par la République démocratique du Congo dénote un manque de leadership et de vision de la part des autorités Congolaises.

C’est le Ministre des ressources hydrauliques Teddy Lwamba qui l’a dit lors de son point de presse aux côtés du Ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya. « La zambi injecte 250 MW du courant électrique en République démocratique du Congo en appui au secteur minier , le Congo Brazzaville 25 MW, la RCA nous envoie 2MW, l’Angola va injecter bientôt et l’Ethiopie également, la Tanzanie va revenir avec 100 MW pour soutenir notre économie … » dit-il, en ajoutant « si nous n’avons pas ça, notre économie va tousser car ça génère 8 milliards sur le PIB de la RDC ».

Sur le fleuve Congo, le projet de Grand Inga, d’une puissance équivalente à vingt-quatre centrales nucléaires, pourrait satisfaire 40 % des besoins énergétiques du continent. Sa conception reproduit le mythe des grands travaux. Sa réalisation, qui devra suivre plusieurs phases et s’étaler sur le long terme, se heurte à de nombreuses difficultés, financières mais aussi géopolitiques.

L’Afrique dispose d’un potentiel considérable de ressources hydroélectriques (évaluées par la Banque mondiale à environ quatre-vingt gigawatts), suffisant pour satisfaire tous ses besoins en énergie. Le continent compte certains des plus grands cours d’eau au monde – le Nil, le Congo, le Niger, la Volta et le Zambèze. Le potentiel de production hydroélectrique le plus significatif se trouve à Madagascar, au Niger, en Zambie, au Mozambique, en Guinée, en Éthiopie, et surtout en République démocratique du Congo. Comment peut-il être exploité ?

En République démocratique du Congo, Grand Inga est le plus important projet hydroélectrique au monde. À une échéance encore imprécise, sa réalisation est prévue à 380 km de Kinshasa, sur le fleuve Congo, là où existent actuellement deux barrages, Inga I et Inga II, construits dans les décennies 1970 et 1980, et fonctionnant très en deçà de leurs capacités.

L’exploitation hydroélectrique du fleuve Congo, une idée ancienne. En 1925, le colonel Pierre Van Deuren publia un rapport sur « la mise en valeur intégrale du fleuve Congo dans la région des cataractes » par la construction de barrages de régulation. Il prévoyait, en plus de barrages, des centrales hydroélectriques, une industrie lourde centrée sur l’électrométallurgie et l’électrochimie. On lui doit aussi la création du Syndicat d’études du Bas-Congo (Syneba) qui estima, en 1931, dans son rapport au ministre des Colonies, qu’il était possible de construire à Inga des installations de production d’énergie électrique satisfaisant à tous les besoins de la colonie belge, « même dans un avenir très éloigné » (Pirenne, 1957 ; Campus, 1958).

La production des deux barrages existants à l’embouchure du Congo, d’une capacité totale de 1 775 MW, stagne aujourd’hui à moins de 500 MW. Ils tournent au ralenti, obérés par la mauvaise gestion et le déficit de la maintenance. Un plan de réhabilitation entrepris en 2003 a absorbé deux cents millions de dollars d’aide de la Banque mondiale. Il en faudrait désormais neuf cents millions pour permettre à ces deux barrages l’exploit jamais atteint de fonctionner à plein régime (Cappelaere, 2011).

Grand Inga est présenté par ses promoteurs comme le moyen pour « illuminer l’Afrique ». S’il venait à être réalisé dans son intégralité, à la condition de mobiliser un financement de cinquante à quatre-vingt milliards de dollars, ce gigantesque projet, composé de six barrages, installé sur le site exceptionnel des chutes d’Inga qui débite selon les saisons entre 30 000 et 60 000 m3 d’eau par seconde, pourrait produire jusqu’à 40 GW d’électricité, soit deux fois plus d’énergie que le barrage des Trois Gorges en Chine. Ou l’équivalent de plus de vingt-quatre réacteurs nucléaires de troisième génération (International Rivers). De quoi bouleverser la donne énergétique régionale puisque l’énergie devrait être exportée jusqu’en Afrique du Sud, mais aussi vers le Nigeria, voire plus au nord, vers l’Égypte, pour, en théorie, satisfaire 40 % des besoins du continent.

Un projet à vocation panafricaine. Grand Inga figure parmi les projets prioritaires de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), du New Partnership for African Development (NEPAD) et du Conseil mondial de l’énergie (CME).

Inscrit dans le très long terme, sa réalisation est prévue en plusieurs phases. Dans la première, 22 000 hectares de terres seront submergés par la rivière Bundi, un affluent du fleuve Congo, pour alimenter les onze turbines du premier futur mégabarrage, dit « Inga III », et produire 4 800 MW puis, dans un second temps, 7 800 MW. Des turbines pourront ensuite être ajoutées pour répondre à la demande, ce qui pourrait porter la puissance totale du barrage à 12,8 GW. Ce ne serait qu’un début. Les cinq autres barrages (d’Inga IV à Inga VIII) sont ensuite prévus pour achever Grand Inga, et ainsi produire les 40 000 MW escomptés.

En gestation depuis plus de dix ans, Inga III – d’un coût total estimé à douze milliards de dollars – a été ressuscité en 2013 avec la promesse faite par l’Afrique du Sud d’acheter plus de la moitié de la production d’électricité du futur barrage, garantissant de la sorte une viabilité financière au projet. Deux consortiums étrangers ont été sélectionnés : d’un côté, Three Gorges Corp qui a construit le plus grand barrage du monde à ce jour sur le Yangtze, associé à SinoHydro et à d’autres sociétés chinoises de moindre envergure, et, de l’autre, un consortium espagnol autour de deux chefs de file, ACS (Actividades de Construcción y Servicios) et AEE Power. Ce consortium espagnol s’est engagé à respecter l’Hydropower Sustainability Assessment Protocol, qui liste les « bonnes pratiques » en matière de construction de barrage. Le contrat de concession en négociation charge le concessionnaire de trouver les financements, de construire, d’exploiter et de commercialiser l’électricité produite (Caterpilar Technicians for Africa).

Quelle chance de réussite ? L’Afrique du Sud restera un client majeur, de même que le Nigeria un peu plus tard. Le consortium a proposé d’installer une ligne sur deux mille kilomètres entre Inga et Kolwezi. Cela permettrait aux villes situées à proximité d’avoir accès au réseau électrique national, notamment dans les provinces du Kasaï, où 1 % de la population seulement a accès à l’électricité. Cette proposition contribuerait à renforcer l’acceptation sociale du barrage, qui n’apparaîtrait plus comme profitant seulement aux pays et aux investisseurs étrangers.

Le mauvais entretien des turbines installées, ainsi que les problèmes financiers qu’ont connus les barrages existants, Inga I et Inga II, ainsi que le coût des réseaux de distribution, soulèvent de nombreuses questions sur les risques de rentabilité d’Inga III et a fortiori de Grand Inga. Dans un rapport de juin 2017, l’ONG californienne International Rivers porte une sévère estocade au projet : « Inga va enfoncer la République démocratique du Congo plus profondément dans la dette, tandis que d’autres pays et les investisseurs internationaux vont récolter les bénéfices. » Le meilleur scénario, qui prévoit pour l’État congolais des revenus annuels de 749 millions de dollars, est jugé irréaliste car basé sur l’absence de dépassement de budget, sur des prix élevés pour l’électricité engendrée et des pertes faibles de transmission.

La réussite d’un tel projet suppose également que les problèmes institutionnels qui affectent la plupart des systèmes de distribution d’électricité soient résolus. La réussite d’Inga III ne dépendra donc pas uniquement de la réalisation d’un barrage, mais aussi de l’évolution de tous les secteurs électriques des pays potentiellement clients (et aussi de la coopération entre pays pour gérer les lignes).

La géopolitique énergétique va donc jouer un rôle important dans ce projet. La Banque africaine de développement s’est imposée comme chef de file du côté des bailleurs de fonds, avec une attitude pour le moins flexible envers un État jugé particulièrement fragile et donc à fort risque. De son côté, la Banque mondiale, insatisfaite par le montage institutionnel et opérationnel du projet, et s’interrogeant aussi sur la faisabilité de la construction du « plus grand barrage du monde dans l’un des pays les plus instables du monde » (Novethic), a décidé fin 2016 d’interrompre ses financements à l’assistance technique de tous les projets d’Inga. Il est probable que rares seront les bailleurs de fonds à vouloir vraiment s’engager dans une opération aussi coûteuse et complexe, notamment si les perspectives de stabilité politique en République démocratique du Congo ne s’éclaircissent pas.

F. Kamanda

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *